La collaboration bénévole d’un époux à l’activité de son conjoint lui ouvre-t-elle droit à une indemnité ?
Prenons l’exemple d’un époux marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts qui souhaiterait obtenir une indemnité pour sa collaboration bénévole durant le mariage à l’activité professionnelle de son conjoint dont l’entreprise a été créée avant l’union.
Pour répondre à cette problématique, trois points seront abordés :
1) Quelle est la nature juridique d’une entreprise créée avant le mariage ?
Selon l’article 1405 du Code civil, dans le régime de la communauté réduite aux acquêts, les biens que les époux avaient avant de se marier sont des biens propres.
Dans notre exemple, l’intervention de l’époux bénévole a donc profité à l’entreprise de son conjoint et non à la communauté.
Ce postulat conduit à la question suivante :
2) L’époux collaborateur bénévole subit-il un appauvrissement du fait de cette collaboration dans le régime de la communauté réduite aux acquêts ?
Si sous le régime de la séparation de bien l’époux qui a travaillé pour son conjoint sans rémunération peut prétendre à une indemnité fondée sur l’enrichissement injustifié (Civ. 1re, 15mars 1960), il n’en est pas de même dans le régime de la communauté réduite aux acquêts.
En effet, dans ce dernier, les gains et salaires des époux et les produits de l’industrie personnelle des époux sont des biens qui tombent dans la masse commune (art. 1401 C. civ. ; Civ. 1re, 8 fév. 1978).
L’enrichissement injustifié ne peut donc être invoqué par l’époux collaborateur bénévole puisqu’il ne subit aucun appauvrissement personnel, les gains et salaires faisant partie de la communauté (Civ. 1re, 17 avril 2019, n°18-15486).
Dans notre exemple, les gains et salaires auxquels l’époux collaborateur aurait pu prétendre auraient, en tout état de cause, été communs. En conséquence, il ne peut valablement invoquer l’enrichissement injustifié pour obtenir une indemnité dès lors qu'il ne s'est pas personnellement appauvri.
3) Cela étant, la communauté ne subirait-elle un appauvrissement du fait que cette collaboration ne lui ait pas procuré de salaires ?
Il est possible d’envisager un autre raisonnement selon lequel : les gains et salaires étant communs, l’époux qui n’a pas perçu de salaires en collaborant bénévolement pourrait avoir provoqué un appauvrissement de la communauté.
L’époux qui possède l’entreprise serait alors débiteur d’une créance à l’égard de la communauté.
Toutefois, rien n’est moins certain si l’on considère la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle en cas d’amélioration d’un bien propre, la communauté n’a droit à récompense que si des fonds communs ont été prélevés ou qu’il a été tiré profit de deniers communs (Civ. 1re, 30 juin 1992).
Dans ce contexte, la plus-value procurée par l’activité d’un époux sur un bien appartenant en propre à son conjoint ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté (Civ. 1re, 26 oct. 2011, n°10-23994).
Conclusions
: marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, l’époux collaborateur bénévole ne pourra pas obtenir d’indemnité sur le fondement de l’enrichissement injustifié pour le travail effectué dans l’entreprise de son conjoint.