Conséquences liquidatives de l'acquisition pendant le mariage d'un bien immobilier financé par un seul époux
Prenons l’exemple d’un couple marié sans contrat de mariage préalable.
Pendant le mariage, l’époux acquière un bien immobilier qu’il finance à l’aide de diverses sommes, savoir :
- 30.000 euros d’indemnités perçues en réparation de son préjudice corporel,
- 50.000 euros d’indemnités compensant sa perte de revenus,
- 40.000 euros provenant d’un prêt immobilier dont les mensualités sont remboursées par ses propres revenus.
Le bien immobilier acquis pendant le mariage dans ces proportions est-il commun ?
1) Sur la nature du bien immobilier
A défaut de contrat de mariage préalable, les époux sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Dans un tel régime, tout bien acquis durant le mariage est un bien commun (art. 1401 C. civ.).
Par exception, les acquisitions faites à l’aide de l’emploi ou de remploi de deniers propres demeurent propres sous réserve d’accomplir les formalités légales (art. 1406 C. civ.).
Ainsi, il appartient à l’époux de régulariser une déclaration d’emploi ou de remploi selon les modalités de l’article 1434 du Code civil. La déclaration doit indiquer tant l’origine propre des deniers que leur destination à des fins d’emploi ou de remploi. Toutefois, pour que l’acquisition constitue un bien propre encore faut-il que la part de financement par des deniers propres soit supérieure ou égale à la part de financement de la communauté (art. 1436 C. civ.).
En outre, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les gains et salaires constituent des biens communs (art. 1401 C. civ.). De même, les indemnités qui remplacent un préjudice économique ou professionnel, comme la perte d’un revenu, sont considérées comme des biens communs (Civ. 1re, 5 av. 2005).
En revanche, les indemnités réparant un dommage corporel ou moral sont propres, ainsi que toute somme réparant une atteinte à l’intégrité physique (art. 1404 C. civ. ; Civ. 1re, 1er mars 1972).
En cas de doute sur l’origine d’un bien, celui-ci tombera en communauté par l’effet de la présomption d’acquêt (art. 1402 C. civ.).
Dès lors, dans notre exemple, il convient de considérer :
- la somme de 30.000 euros réparant le préjudice corporel de l’époux lui est propre ;
- les 50.000 euros perçus pour compenser la perte de revenu appartiennent quant à eux à la communauté ;
- les 40.000 euros issus d’un prêt immobilier ayant été financés par les gains et salaires de l’époux appartiennent également à la communauté.
Il appert que la communauté a une contribution supérieure (40.000 euros + 50.000 euros) à la part de financement par des deniers propres de l’époux (30.000 euros). En tout état de cause, il est à constater qu’aucune formalité de remploi n’a été faite.
En conséquence, ce bien immobilier est commun et appartient donc à la communauté.
Se pose alors la question d’une éventuelle récompense au profit de l’époux au titre des deniers propres (30.000 euros) ayant permis de financer partiellement ce bien.
2) Sur l’existence d’une récompense au profit de l’époux
Selon les dispositions de l’article 1433 du Code civil : « La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres. »
Lorsque les fonds propres ont servi à acquérir un bien, la récompense est égale au profit subsistant (art. 1469 al. 3 C. civ.) ; étant précisé que le profit subsistant se qualifie comme l’enrichissement dont a bénéficié le patrimoine qui doit la récompense.
En considérant que la valeur actuelle du bien immobilier est de 200.000 euros, le profit subsistant se calcule selon les modalités suivantes :
Contribution propre de l’époux
------------------------------------------- x Valeur actuelle du bien
Coût total de l’acquisition
30.000 euros
---------------------- x 200.000 euros = 50.000 euros
120.000 euros
La communauté devra donc une récompense de 50.000 euros à l’époux qui a participé au financement du bien immobilier.